Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/26

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lendemain. Alors qu’il restait bien peu à faire pour l’amener à sa forme définitive, l’œuvre est abandonnée sans retour. Sans doute Stendhal tout occupé d’autres travaux n’en voyait-il plus très nettement la valeur, mais surtout ses chapitres regorgeaient trop de faits, d’allusions et de jugements politiques pour être imprimés sans créer de difficultés au fonctionnaire que l’auteur ne devait plus jamais cesser d’être. Ces scrupules nous ont privé d’un livre plus parfait, mais en revanche c’est eux qui ont sauvé les manuscrits de la destruction où n’échappèrent point ceux du Rouge et de la Chartreuse, et c’est eux qui nous permettent aujourd’hui de bien scruter la méthode de travail d’un écrivain aussi curieux que Stendhal. C’est grâce à eux notamment que nous voyons comment tout dans ce roman, et dans l’état où nous le pouvons déchiffrer, a été repris et refait au moins deux fois, souvent quatre ou même davantage.

Beyle reconnaît lui-même qu’à cause de tout ce qu’il efface et recommence, il travaille en réalité trois fois plus qu’un autre. C’est, explique-t-il, qu’en « écrivant ceci, comme j’ai inventé le plan (grande différence avec le Rouge), je pensais à la convenance de l’action et non à la façon de la raconter. À mesure que j’oublie la première considération, la façon de dire m’apparaît et