Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ainsi conçu en deux temps : fripon-sombre !

Pendant ce temps, Du Poirier parlait longuement de la haute naissance et de la haute vertu de ces demoiselles, choses fort respectables et que Lucien ne songeait nullement à contester. Après une foule de paroles emphatiques, le docteur arriva à sa véritable pensée d’homme adroit :

— À quoi bon mal parler des femmes qui ne sont pas jolies ?

— Ah ! je vous y prends, monsieur le docteur ! voilà une parole imprudente ; c’est vous qui avez dit que mademoiselle de Serpierre n’est pas jolie, et je puis vous citer.

Puis, d’un air grave et profond, il ajouta :

— Si je voulais mentir constamment et sur tout, j’irais dîner chez les ministres ; au moins ils peuvent donner des places ou de l’argent ; mais j’ai de l’argent et n’ambitionne pas d’autre place que la mienne. À quoi bon n’ouvrir la bouche que pour mentir, et au fond d’une province, et dans un dîner encore où il n’y a qu’une jolie femme ! C’est trop héroïque pour votre serviteur.

Après cette sortie, notre héros se mit à suivre à la lettre l’indication du docteur. Il fit une cour assidue à madame de Serpierre et à sa fille, et il abandonna