Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/31

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cement de son récit, autant que le caractère de son héros, lui semble neuf. Il le dit : « Ceci ne ressemble pas à Julien, tant mieux. » Il ajoute : « Dans Julien[1] on ne conduit pas assez l’imagination du lecteur par de petits détails. Mais, d’un autre côté, manière plus grande, fresque comparée à la miniature. »

Il ne compare point seulement cette œuvre sur le chantier à sa grande œuvre accomplie, il cherche parmi ses prédécesseurs et ses contemporains ceux avec lesquels il peut rivaliser le plus directement, et il est amené ainsi à plusieurs reprises à formuler les différences essentielles qu’il découvre entre l’auteur de Tom Jones et lui : « Outre le génie… la grande différence entre Fielding et Dominique, c’est que Fielding décrit à la fois les sentiments et actions de plusieurs personnages, et Dominique d’un seul. Où mène la manière de Dominique ? Je l’ignore. Est-ce un perfectionnement ? Est-ce revenir à l’enfance de l’art, ou plutôt tomber dans le genre froid du personnage philosophique ? »

Dominique, il aimait à se nommer ainsi, marque d’un mot l’écueil qu’il redoute le plus : la froideur d’un exposé philosophique ou les remarques ingénieuses à la La Bruyère. Un roman, dit-il un peu partout, « doit

  1. Julien pour Stendhal ce n’est pas le personnage, mais le nom qu’il donne au Rouge.