Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/332

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d’être entraîné au delà d’un petit amour de société.

« Si ceci continue, je vais devenir fou et plat. C’est bien autre chose que le saint-simonisme dont m’accusait mon père ! Qui est-ce qui s’occupe des femmes aujourd’hui ? quelque homme comme le duc de…, l’ami de ma mère, qui au déclin d’une vie honorable, après avoir payé sa dette sur les champs de bataille et à la Chambre des pairs en refusant son vote, s’amuse à faire la fortune d’une petite danseuse, comme on joue avec un serin.

« Mais moi ! à mon âge ! quel est le jeune homme qui ose seulement parler d’un attachement sérieux pour une femme ? Si ceci est un amusement, bien ; si c’est un attachement sérieux, je suis sans excuse ; et la preuve que je mets du sérieux dans tout ceci, que cette folie n’est pas un simple amusement, c’est ce que je viens de découvrir : le faible de madame de Chasteller pour les brillants uniformes, loin de me plaire, m’attriste. Je me crois des devoirs envers la patrie. Jusqu’ici je me suis principalement estimé parce que je n’étais pas un égoïste uniquement occupé à bien jouir du gros lot qu’il a reçu du hasard ; je me suis estimé parce que je sentais avant tout l’existence de ces devoirs envers la patrie et le besoin de l’estime des grandes