Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/336

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en cage ; ainsi que ce captif effrayé, il ne savait que se heurter la tête avec furie contre les barreaux de sa cage. « Quoi ! se disait-il, ne pas savoir dire un seul mot ; quoi ! oublier même les usages les plus simples ! Ainsi ma faible conscience cède à l’attrait d’une faute, et je n’ai pas même le courage de la commettre ! »

Le lendemain Lucien n’était pas de service ; il profita de la permission donnée par le colonel et s’enfonça fort loin dans les bois de Burelviller… Vers le soir, un paysan lui apprit qu’il était à sept lieues de Nancy.

« Il faut convenir que je suis encore plus sot que je ne l’imaginais ! Est-ce en courant les bois que j’obtiendrai la bienveillance des salons de Nancy et que je pourrai trouver la chance de rencontrer madame de Chasteller et de réparer ma sottise ? » Il revint précipitamment à la ville ; il alla chez les Serpierre. Mademoiselle Théodelinde était son amie, et cette âme, qui se croyait si ferme, avait besoin ce jour-là d’un regard ami. Il était bien loin d’oser lui parler de sa faiblesse ; mais, auprès d’elle, son cœur trouvait quelque repos. M. Gauthier avait toute son estime, mais il était prêtre de la République, et tout ce qui ne tendait pas au bonheur de la France, se gouvernant elle-même, lui semblait