Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/346

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en payant les serviteurs de la nation avec l’argent de la nation, prétendent que nous leur devons personnellement quelque chose. »

Après une revue générale du bal, qui était fort beau, la reconnaissance marqua la place de Lucien sur une chaise à côté du boston de madame la comtesse de Commercy, cette cousine de l’Empereur. Pendant une mortelle demi-heure, Lucien lui entendit donner cinq ou six fois ce titre en parlant d’elle à elle-même.

« La vanité de ces provinciaux leur inspire des idées incroyables, pensait-il ; il me semble voyager en pays étranger. »

— Vous êtes admirable, monsieur, lui dit la cousine de l’Empereur, et, certainement, je ne voudrais pas me séparer d’un aussi aimable cavalier. Mais je vois d’ici des demoiselles qui ont bonne envie de danser ; elles me regarderont avec des yeux ennemis si je vous retiens plus longtemps.

Et madame de Commercy lui indiqua plusieurs demoiselles de la première qualité.

Notre héros prit son parti en brave : non seulement il dansa, mais il parla ; il trouva quelques petites idées à la portée de ces intelligences, non cultivées exprès, des jeunes filles de la noblesse de province. Son courage fut récompensé