Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du bon ; ces gens-ci sont moins timides que nous. »

Pendant qu’il dansait avec madame d’Hocquincourt, M. d’Antin s’approcha d’elle. Madame d’Hocquincourt feignit d’avoir oublié un engagement pris avec lui et se mit à lui en faire des excuses en termes si plaisants et si piquants pour lui, que Lucien, toujours dansant avec elle, eut toutes les peines du monde à ne pas éclater de rire. Madame d’Hocquincourt cherchait évidemment à mettre en colère M. d’Antin, qui protestait en vain que jamais il n’avait compté sur cette contredanse.

« Comment un homme peut-il se laisser traiter ainsi ? pensait Lucien. Que de bassesses fait faire l’amour ! » Madame d’Hocquincourt lui adressait des mots fort aimables et ne parlait presque qu’à lui ; mais Lucien était aigri par la position où il voyait le pauvre M. d’Antin. Il alla à l’autre bout du salon et dansa des valses avec madame de Puylaurens, qui, elle aussi, fut charmante pour lui. Il était l’homme à la mode de ce bal, lui qui dansait fort mal ; il le savait bien, et c’était pour la première fois de sa vie qu’il goûtait ce plaisir. Il dansait une galope avec mademoiselle Théodelinde de Serpierre, lorsque, dans un angle de la salle, il aperçut madame de Chasteller.