Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/71

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disait : « Mon père a dix millions. » Ainsi notre héros n’avait point la physionomie à la mode, qui, à Paris, fait les trois quarts de la beauté. Enfin, chose impardonnable dans ce siècle empesé, Lucien avait l’air insouciant, étourdi[1].

— Comme tu gaspilles une admirable position ! lui disait un jour Ernest Dévelroy[2], son cousin, jeune savant qui brillait déjà dans la Revue de *** et avait eu trois voix pour l’Académie des sciences morales.

Ernest parlait ainsi dans le cabriolet de Lucien, en se faisant mener à la soirée de M. N…, un libéral de 1829, aux pensées sublimes et tendres, et qui maintenant réunit pour quarante mille francs de places, et appelle les républicains l’opprobre de l’espèce humaine.

— Si tu avais un peu de sérieux, si tu ne riais pas de la moindre sottise, tu pourrais être dans le salon de ton père, et même ailleurs, un des meilleurs élèves de l’École polytechnique, éliminés pour opinion. Vois ton camarade d’école, M. Coffe, chassé comme toi, pauvre comme Job, admis, par grâce d’abord, dans le

  1. Style. — Il y a et je laisse beaucoup de phrases hasardées ; je veux laisser le sentiment, je corrigerai l’expression sur l’épreuve à Paris quand j’aurai repris langue. Cinq ans d’absence. 1er octobre 1835.
  2. Modèle : M. Lerminier.