Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Me présenterez-vous aussi à M. Rey ?

— Non, vraiment ! Il trouverait cette présentation tout à fait impropre. C’est un homme qu’il nous faut ménager, cela a du crédit sur les maris. Mais je vous présenterai au milord Link, lequel est remarquable par ses dîners.

— J’avais compris qu’il ne recevait jamais.

— Ce sont des dîners qu’il se donne à lui-même. On dit qu’il en a chaque jour trois ou quatre de préparés à Nancy et dans les villages environnants ; il va manger celui dont il se trouve le plus rapproché à l’heure de l’appétit.

— Pas mal inventé !

— M. de Vassignies, qui est un savant, dit que Lord Link est un grand partisan du système de l’utile en toutes choses, et avant tout prêché par un Anglais célèbre… un nom de prophète…

— Jérémie Bentham, peut-être ?

— Justement !

— C’est un ami de mon père.

— Eh bien ! ne vous en vantez pas aux milords anglais. M. de Vassignies dit que c’est leur bête noire, et M. Rey nous assurait l’autre jour que ce Jérémie anglais serait cent fois pis que Robespierre s’il avait le pouvoir. Et le milord Link est détesté de ses collègues pour être partisan