Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/156

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Chasteller, voudrait-il montrer de l’insensibilité pour la cour marquée que lui fait madame d’Hocquincourt ? Il doit se croire bien maltraité par moi, serait-il malheureux ? En serais-je la cause ? »

Madame de Chasteller n’osait le croire, et cependant son attention avait redoublé. Leuwen parlait fort peu en effet, il fallait comme lui arracher les paroles. Sa vanité lui avait dit : « Il est possible que madame de Chasteller se moque de vous. S’il en est ainsi, bientôt tout Nancy l’imitera. Madame d’Hocquincourt serait-elle du complot ? En ce cas, auprès d’elle je ne dois montrer des prétentions que le lendemain de la victoire, et ici, si l’on songe à moi, quarante personnes peuvent m’observer. Dans tous les cas, mes ennemis ne manqueront pas de dire que je lui fais la cour pour masquer ma déconvenue auprès de Bathilde. Il faut montrer à ces bourgeois malveillants que c’est elle qui me fait la cour, et pour ce faire je ne dirai pas un mot du reste de la soirée. J’irai jusqu’au manque de politesse. »

Ce caprice de Leuwen redoubla celui de madame d’Hocquincourt. Elle n’eut plus d’yeux ni d’oreilles pour M. d’Antin ; elle lui dit deux ou trois fois d’un air bref et comme pressée de s’en délivrer :