Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/180

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jamais un homme jeune et noble sans voir en lui un mari pour sa fille.

Quand toute la société retentit des plaintes que M. de Pontlevé faisait à tout venant de l’assiduité de Leuwen chez sa fille, madame de Serpierre en fut choquée infiniment plus que ne le comportait même sa vertu si sévère. Leuwen fut reçu dans cette maison avec cette aigreur de l’espoir de mariage trompé qui sait se présenter avec tant de variété et sous des formes si aimables dans une famille composée de six demoiselles peu jolies.

Madame de Commercy, fidèle à la politesse de la cour de Louis XVI, traita toujours Leuwen également bien. Il n’en était pas de même dans le salon de madame de Marcilly : depuis la réponse indiscrète faite, à propos de l’enterrement d’un cordonnier, à M. le grand vicaire Rey, ce digne et prudent ecclésiastique avait entrepris de ruiner la position que notre sous-lieutenant avait obtenue à Nancy. En moins de quinze jours M. Rey eut l’art de faire pénétrer de toutes parts et d’établir dans le salon de madame de Marcilly que le ministre de la Guerre avait une peur particulière de l’opinion publique de Nancy, ville voisine de la frontière, ville considérable, centre de la noblesse de Lorraine, et peut-être surtout de