Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/191

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Ou ne soyez pas pour moi d’une si haute vertu, ne me faites pas une scène lorsque j’essaie de vous prendre la main… (Il est vrai que je l’ai traité bien mal pour un mince sujet !…) »

Après un silence, elle continua avec un soupir :

«… Ne soyez pas de cette vertu outrée, ou permettez-moi de profiter d’un moment d’admiration que madame d’Hocquincourt peut éprouver pour mon petit mérite.

« — Mais quelque peu délicat que soit ce raisonnement, reprit avec rage le parti de l’amour, encore fallait-il me faire cette déclaration. Tel était le rôle d’un honnête homme. Mais M. de Blancet exagère peut-être… Il faut éclaircir tout ceci. »

Elle demanda ses chevaux et se fit conduire précipitamment successivement chez mesdames de Serpierre et de Marcilly. Tout fut confirmé ; madame de Serpierre alla même bien plus loin que M. de Blancet.

En rentrant chez elle, madame de Chasteller ne pensait presque plus à Leuwen ; toute son imagination, enflammée par le désespoir, était occupée à se figurer les charmes et l’amabilité séduisante de madame d’Hocquincourt. Elle les comparait à sa manière d’être retirée, triste, sévère. Cette comparaison la poursuivit toute