Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/197

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— Écoute, lui dit le comte Ludwig en pâlissant, ce fat-là est assez poli, et je ne crois pas qu’il ait voulu nous offenser avec son tilbury ; mais je ne l’en déteste que plus, à cause de sa politesse. Il sort de l’hôtel de Pontlevé ; il prétend nous enlever en toute douceur, et sans nous fâcher, la plus jolie femme de Nancy et la plus riche héritière, du moins dans la classe où toi et moi pouvons choisir une femme… Et cela, ajouta Roller d’un ton ferme, je ne le souffrirai pas.

— Dis-tu vrai ? répondit Sanréal, enchanté.

— Dans ces choses-là, mon cher, répliqua Roller d’un ton sec et piqué, tu dois savoir que je ne dis jamais faux[1].

— Est-ce que tu vas me faire des phrases, à moi ? répondit Sanréal d’un air de spadassin. Nous nous connaissons. L’essentiel est qu’il ne nous échappe pas ; l’animal est futé et s’est bien tiré de deux duels qu’il a eus à son régiment…

— Des duels à l’épée ! C’est une belle affaire ! On a appliqué deux sangsues à la blessure qu’il a faite au capitaine Bobé. Mais avec moi, morbleu ! ce sera un bon duel au pistolet, et à dix pas ; et s’il ne me tue pas, je te réponds qu’il lui faudra plus de deux sangsues.

  1. Style piquant ou style vrai. Combat.