Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/25

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joie. Après une heure de réflexion, elle demanda sa voiture, et, en passant devant le bureau de poste de Nancy, elle tira le cordon :

— À propos, dit-elle au domestique, jetez cette lettre à la poste… Vite !

Le bureau était à trois pas, elle suivit cet homme de l’œil ; il ne lut pas l’adresse, où une écriture un peu différente de celle qu’elle avait d’ordinaire avait écrit :

À M. Pierre Lafont,
Poste restante,
à Darney.

C’était le nom d’un domestique de Leuwen et l’adresse indiquée par lui, avec toute la modestie et le manque d’espoir convenables.

Rien ne saurait exprimer la surprise de Leuwen, et presque sa terreur, quand le lendemain, étant allé comme par manière d’acquit jusqu’à un quart de lieue de Darney avec le domestique Lafont, il vit celui-ci, à son retour, tirer une lettre de sa poche. Il tomba à bas de son cheval plutôt qu’il n’en descendit, et s’enfonça, sans ouvrir la lettre et sans savoir presque ce qu’il faisait, dans un bois voisin. Quand il se fut assuré qu’un taillis de châtai-