Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sérieusement, un cas rédhibitoire. Je partirais à l’instant pour l’Angleterre.

— Mais qui sera juge des crimes, homme vertueux ?

— Vous, mon père.

— Les friponneries, les mensonges, les manœuvres d’élections ne rompront pas notre marché ?

— Je ne ferai pas les pamphlets menteurs…

— Fi donc ! Cela regarde les gens de lettres. Dans le genre sale, vous dirigez, vous ne faites jamais. Voici le principe : tout gouvernement, même celui des États-Unis, ment toujours et en tout ; quand il ne peut pas mentir au fond, il ment sur les détails. Ensuite, il y a les bons mensonges et les mauvais ; les bons sont ceux que croit le petit public de cinquante louis de rente à douze ou quinze mille francs, les excellents attrapent quelques gens à voiture, les exécrables sont ceux que personne ne croit et qui ne sont répétés que par les ministériels éhontés. Ceci est entendu. Voilà une première maxime d’État ; cela ne doit jamais sortir de votre mémoire ni de votre bouche.

— J’entre dans une caverne de voleurs, mais tous leurs secrets, petits et grands, sont confiés à mon honneur.

— Doctement. Le gouvernement es-