Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il a des notaires, un agent, des fermiers. Cet homme est aimable parce qu’il a quarante mille livres de rente au moins.

— Et qu’en fait-il ?

— Il s’enivre soir et matin, et il a des chevaux.

— C’est-à-dire qu’il s’ennuie. Je vais le séduire. Est-ce que jamais une femme un peu bien a voulu le séduire ?

— J’en doute. Il faudrait d’abord trouver le secret de ne pas mourir d’ennui en l’écoutant.

Les jours de mélancolie profonde, où madame de Chasteller éprouvait une répugnance invincible à sortir, madame de Constantin s’écriait :

— Il faut que j’aille chasser aux voix pour mon mari. Dans le vaste champ de l’intrigue, il ne faut rien négliger. Quatre voix, trois voix nous venant de l’arrondissement de Nancy peuvent tout décider. Songe que je meurs d’envie d’entendre Rubini, et que du vivant d’un beau-père avare je n’ai qu’un moyen au monde de retourner à Paris : la députation.

En peu de jours, madame de Constantin devina, sous une écorce grossière, l’esprit supérieur du docteur Du Poirier, et se lia tout à fait avec lui. Cet ours n’avait jamais vu une jolie femme non malade lui adresser