Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/325

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lui dire que je serais tout à fait indigne de sa confiance, moi mince débutant dans la carrière, qui n’ai autre chose à faire, si je lisais mal ou trop vite un document qu’elle daigne me confier. Il y a ici, au cinquième alinéa… Etc., etc.

Après avoir ramené trois fois la question à son véritable point, Lucien finit par avoir ce succès, qui eût été si fatal à tout autre bureaucrate : il réduisit son ministre au silence. Son Excellence sortit du cabinet en fureur, et Lucien l’entendit maltraiter le pauvre chef de division, qu’en l’entendant revenir l’huissier avait introduit dans son cabinet. La voix redoutable du ministre passa jusqu’à l’antichambre répondant à la porte dérobée par laquelle on entrait dans le bureau de Lucien. Un ancien domestique, placé là par le ministre de l’Intérieur Crétet, et que Leuwen soupçonnait fort d’être espion, entra sans être appelé.

— Est-ce que Son Excellence a besoin de quelque chose ?

— Non ; pas Son Excellence, mais moi. J’ai à vous prier fort sérieusement de n’entrer ici que quand je vous sonne.

Telle fut la première bataille de Leuwen[1]

  1. Tout ceci est bien en soi, mais peut-être pas à sa place. Il fallait faire Leuwen admirant de bonne foi et toujours étonné à chaque nouvelle preuve de sottise de de Vaize.