Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/400

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qu’à sa femme, mais aussi il la lui disait toute ; elle était pour lui comme une seconde mémoire à laquelle il croyait plus qu’à la sienne propre. D’abord, il avait voulu s’imposer quelque réserve quand son fils était en tiers, mais cette réserve était incommode et gâtait l’entretien (madame Leuwen aimait à ne pas se priver de la présence de son fils) ; il le jugeait fort discret, il avait fini par tout dire devant lui.

L’intérieur de ce vieillard, dont les mots méchants faisaient tant de peur, était fort gai.

À l’époque où nous sommes, on trouva pendant quelques jours qu’il était triste, agité ; il jouait fort gros jeu le soir, il se permit même de jouer à la Bourse ; mademoiselle Des Brins donna deux soirées dansantes dont il fit les honneurs.

Un soir, à deux heures du matin, en revenant d’une de ces soirées, il trouva son fils qui se chauffait dans le salon, et son chagrin éclata.

— Allez pousser le verrou de cette porte. » Et comme Lucien revenait près de la cheminée : « Savez-vous un ridicule affreux dans lequel je suis tombé ? dit M. Leuwen avec humeur.

— Et lequel, mon père ? Je ne m’en serais jamais douté.