Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/413

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que l’on a aimé, moins il y a d’infidélité.

M. Leuwen alla se promener à l’autre bout du salon. Il se reprochait cette allusion.

— J’ai manqué au traité, cela est mal, fort mal. Quoi ! même avec mon fils, ne puis-je pas me permettre de penser tout haut ?

— Mon ami, ma dernière phrase ne vaut rien, et je parlerai mieux à l’avenir. Mais voilà trois heures qui sonnent. Si tu fais ce sacrifice, c’est pour moi uniquement. Je ne te dirai point que, comme le prophète, tu vis dans un nuage depuis plusieurs mois, qu’au sortir de la nuée tu seras étonné du nouvel aspect de toutes choses… Tu en croiras toujours plus tes sensations que mes récits. Ainsi, ce que mon amitié ose te demander, c’est le sacrifice de six mois de ta vie ; il n’y aura de très amer que le premier, ensuite tu prendras de certaines habitudes dans ce salon où vont quelques hommes passables, si toutefois tu n’en es pas expulsé par la vertu terrible de madame Grandet, auquel cas nous chercherions une autre vertu. Te sens-tu le courage de signer un engagement de six mois ?

Lucien se promenait dans le salon et ne répondait pas.

— Si tu dois signer le traité, signons-le