Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/421

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— Ah ! cher ami, je sacrifierais le billet de cinq cents francs, je sacrifierais même le billet de mille pour réavoir cette bribe et ne pas paraître avoir fait la moindre affaire sur cette damnée dépêche. Voulez-vous aller retirer ces dix mille francs ?

L’air du ministre disait : « Partez ! »

« Je ne saurai rien, se dit Lucien, si je n’arrache le fin mot dans ce moment où il est hors de lui. »

— En vérité, je ne saurais où aller, reprit Lucien de l’air d’un homme qui n’a pas envie de remonter en cabriolet. M. Rouillon dîne en ville, je pourrai tout au plus dans deux heures passer chez lui, et ensuite aller explorer les environs de Tortoni. Mais Votre Excellence veut-elle me dire le pourquoi de toute cette peine que je me suis donnée et qui va engloutir toute ma soirée ?

— Je devrais ne vous rien dire, dit Son Excellence en prenant l’air fort inquiet, mais il y a longtemps que je ne doute pas de votre prudence. On se réserve cette affaire ; et encore, ajouta-t-il d’un air de terreur, c’est par miracle que je l’ai su, par un de ces cas fortuits admirables. À propos, il faut que demain vous soyez assez complaisant pour acheter une jolie montre de femme…