Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/59

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donnerais à ceux-ci peut n’être pas fort élégant, mais réellement, sous le brillant de la plus belle soie, ils ont la couleur de la noisette. Et ce contour admirable du front ! Que de pensée dans le haut de ce front, peut-être trop !… Comme il me faisait peur autrefois ! Quant aux yeux, qui en vit jamais de pareils ? L’infini est dans ce regard, même quand il n’est arrêté que par un objet sans intérêt. Comme elle regardait sa voiture au Chasseur vert quand nous nous en approchâmes ! Et quelle coupe admirable ont les paupières de ces yeux si beaux ! Comme ils sont entourés ! Son regard est surtout céleste quand il ne s’arrête sur rien. Alors, c’est le son de son âme qu’il semble exprimer. Elle a le nez un peu aquilin ; je n’aime pas ce trait chez une femme, je ne l’ai jamais aimé chez elle, même quand je l’aimais… Quand je l’aimais ! Grand Dieu ! Mais où me cacher ? que devenir ? que lui dire ? Et si elle était à moi ?… Eh ! bien, je serais honnête homme, là comme ailleurs. « Je suis fou, ma chère amie, lui dirais-je. Indiquez-moi un lieu d’exil, et, quelque affreux qu’il soit, j’y cours. »

Ce sentiment rendit un peu de vie à l’âme de Leuwen.

« Oui, se dit-il en reprenant son