Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/73

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en réponse à une lettre, sans doute beaucoup trop longue, ont semblé dissiper un peu l’effet du venin. J’ai eu le bonheur de vous voir, cet affreux malheur s’est dissipé et j’ai repris mes chaînes, mais je me sens encore comme glacé par le poison… Je vous parle, madame, d’une façon un peu emphatique, mais en vérité je ne sais comment expliquer en d’autres mots ce qui m’arrive depuis la vue de votre demoiselle de compagnie. Le signe fatal en est que, pour vous parler un peu le langage de l’amour, il faut que je fasse effort sur moi-même.

Après cet aveu sincère, il sembla à Leuwen avoir un poids de deux quintaux de moins sur la poitrine. Il avait si peu d’expérience de la vie qu’il ne s’attendait nullement à ce bonheur.

Madame de Chasteller, au contraire, semblait atterrée. « C’est clair, ce n’est qu’un fat. Y a-t-il moyen, se disait-elle, de prendre ceci au sérieux ? Dois-je croire que c’est l’aveu naïf d’une âme tendre ? »

Les façons de parler habituelles de Leuwen étaient si simples quand il s’adressait à madame de Chasteller, qu’elle penchait pour ce dernier avis. Mais elle avait souvent remarqué qu’en s’adressant à toute autre personne qu’elle Leuwen