Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/133

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me seconde pour tout ce qui regarde les élections. Je puis me tromper, je ne voudrais pas que vous ne vissiez les choses qu’absolument par mes yeux.

À ce moment, on annonça M. le président Donis d’Angel.

— Quel homme est-ce ?

— C’est un bavard insupportable, expliquant longuement ce dont on n’a que faire, et sautant à pieds joints les choses difficiles. D’ailleurs, nageant entre deux eaux. Beaucoup de relations avec les prêtres qui, dans ce département, sont fort hostiles. Il vous fera perdre un temps précieux. Or, il faut vingt-sept heures à votre courrier pour aller d’ici à Paris, et il me semble que vous ne sauriez l’expédier trop tôt, si toutefois vous voulez en expédier un, ce que je serais loin de conseiller. Mais ce que je vous conseille fort résolument, c’est de renvoyer M. le président Donis d’Angel à ce soir dix heures ou à demain matin.

Ainsi fut fait. Malgré la sincérité et la probité des deux interlocuteurs, le dîner fut triste, sérieux et court. Au dessert parurent deux commissaires de police et ensuite un petit capitaine nommé Ménière, aussi madré qu’eux au moins, et qui prétendait bien gagner la croix par cette élection.