Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/136

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du canton de Risset, il n’y a plus d’espoir. Plus de vingt de nos amis voteront pour M. Mairobert uniquement pour se débarrasser du préfet de Séranville. Dans cet état désespéré, n’y aurait-il pas moyen de faire une démarche auprès du chef du parti légitimiste, M. Le Canu ?

Le général s’arrêta tout court au milieu du salon. Leuwen continua :

— Je lui dirais : « Je ferai nommer celui de vos électeurs que vous me désignerez ; je lui donne les trois cent quarante voix du gouvernement. Pouvez-vous ou voulez-vous envoyer des courriers à cent gentilshommes campagnards ? Avec ces cent voix et les nôtres nous excluons M. Mairobert. » Que nous fait, général, un légitimiste de plus dans la Chambre ? D’abord, il y a cent à parier contre un que ce sera un imbécile muet ou un ennuyeux que personne n’écoutera. Eût-il le talent de M. Berryer, ce parti n’est pas dangereux, il ne représente que lui-même, cent ou cent cinquante mille Français riches tout au plus. Si j’ai bien compris le ministre, mieux vaut dix légitimistes qu’un seul Mairobert, qui serait le représentant de tous les petits propriétaires des quatre départements de la Normandie.

Le général se promena longtemps sans rien répondre.