Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/156

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nous craignons que M. Mairobert ne propose des mesures extrêmes, et entre autres celle de laisser aux fidèles le soin de payer le médecin de l’âme comme ils paient le médecin du corps. Nous nous tenons assurés dans cette session de faire repousser cette mesure, mais si elle réunissait une minorité imposante, il faudrait peut-être, par compensation, admettre la réduction des sièges épiscopaux, ou du moins la faire par un traité, afin d’éviter que la Chambre ne la fît par une loi.

Les raisonnements furent infinis, ainsi que Leuwen s’y attendait bien.

« Mon âge me nuit, pensait-il. Je suis comme un général de cavalerie qui, dans une bataille perdue, oubliant son intérêt propre, essaie de faire mettre pied à terre à sa cavalerie et de la faire battre comme de l’infanterie. S’il ne réussit pas, tous les sots, et surtout les généraux de cavalerie, se moquent de lui, mais, s’il a du cœur, la conscience d’avoir entrepris, pour ramener la victoire, une chose crue impossible, le console de tout. »

Sept fois de suite (Leuwen les compta) M. l’abbé Le Canu chercha à ne pas répondre et à donner le change à son jeune antagoniste.

« Apparemment, il veut me mettre à l’épreuve avant de me répondre. »