Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/186

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veau avec tant de simplicité et de sincérité évidente que ces messieurs, qui connaissaient le génie du préfet, finirent par croire que Leuwen n’avait pas voulu leur tendre un piège.

— L’esprit de ce petit préfet des Grandes Journées, dit M. Le Canu, est comme les cornes des boucs de mon pays : noir, dur, et tortu.

Le pauvre Leuwen était tellement emporté par l’envie de ne pas passer pour un coquin, qu’il supplia M. Disjonval d’accepter de sa bourse le remboursement des frais de messager et autres qu’avait pu entraîner la convocation extraordinaire des électeurs légitimistes. M. Disjonval refusa, mais, avant de quitter la ville de Caen, Leuwen lui fit remettre cinq cents francs par M. le président Donis d’Angel.

Le grand jour de l’élection, à dix heures, le courrier de Paris apporta cinq lettres annonçant que M. Mairobert était mis en accusation à Paris comme fauteur du grand mouvement insurrectionnel et républicain dont l’on parlait alors. Aussitôt, douze des négociants les plus riches déclarèrent qu’ils ne donneraient pas leurs voix à Mairobert.

— Voilà qui est bien digne du préfet, dit le général à Leuwen, avec lequel il avait repris son poste d’observation vis--