Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/237

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— C’est un homme d’humeur, dit le ministre des Finances ; son associé Van Peters me l’a souvent dit. Quelquefois il a les vues les plus nettes des choses, en d’autres moments, pour satisfaire un caprice, il sacrifierait sa fortune et lui avec. Si nous l’irritons, sa faconde épigrammatique prendra une nouvelle vigueur, et à force de dire cent mauvaises pointes il en trouvera une bonne, ou du moins qui sera adoptée pour telle par les ennemis du roi.

— On peut l’attaquer dans son fils, dit le comte de Beausobre, ce petit sot grave que l’on vient de faire lieutenant.

— Ce n’est pas on, monsieur le comte, dit le ministre de la Guerre ; c’est moi qui, par métier, dois me connaître en bravoure, qui l’ai fait lieutenant. Quand il était sous-lieutenant de lanciers, il a pu être peu poli, un soir, chez vous, en cherchant le comte de Vaize pour lui rendre compte de l’affaire Kortis par lui fort bien arrangée…

— Comment ! peu poli ! dit le comte. Un polisson…

On dit : peu poli, dit le ministre de la Guerre en pesant sur le on ; on ajoute même des détails, des offres de démission, on raconte toute la scène, et à des gens qui s’en souviennent !