Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/256

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y avait des devoirs bien pénibles attachés aux fonctions publiques. Par exemple, il se trouvait dans la nécessité morale la plus étroite de réclamer la destitution de M. Tourte, commis à cheval des droits réunis, dont le frère s’était opposé de la façon la plus scandaleuse à la nomination de lui, M. des Ramiers[1]. Cela même fut dit avec des précautions savantes qui furent fort utiles à Leuwen pour le préserver d’un rire fou qui l’avait saisi à la première appréhension.

« De Fénelon réclamant une destitution ! »

Lucien s’amusa à répondre à M. des Ramiers en son propre style, il affecta de ne pas comprendre la question, saisit de quoi il s’agissait, et força barbarement le moderne Fénelon à demander la destitution d’un pauvre diable demi-artisan qui, moyennant un salaire de onze cents francs, vivait, lui, sa femme, sa belle-mère et cinq enfants.

Quand il eut assez joui de l’embarras de M. des Ramiers, que le manque d’intelligence de Leuwen força à employer les façons de parler les plus claires, et, par là, les plus odieuses et les plus contrastantes

  1. Modèle : M. Saint-Marc Girardin et l’inspecteur des Poids et Mesures.