Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/290

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lequel M. Leuwen conduisait et ménageait le grand changement de personnes à la tête duquel il s’était placé, cet homme d’esprit était au désespoir de ne point avoir de projet.

— Je retarde tout, disait-il à sa femme et à son fils, je fais dire au maréchal qu’il pourrait bien amener une enquête sur les quatre ou cinq millions d’appointements qu’il se donne, j’empêche le de Vaize, qui est hors de lui, de faire des folies, je fais dire à ce gros ministre des Finances que nous ne dévoilerons que quelques-unes des moindres bourdes de son budget, etc., etc. Mais au milieu de tous ces retards il ne me vient pas une idée. Qui est-ce qui me fera la charité d’une idée ?

— Vous ne pouvez pas prendre votre glace, et vous avez peur qu’elle ne se fonde, dit madame Leuwen. Quelle situation pour un gourmand !

— Et je meurs de peur de regretter ma glace quand elle sera fondue.

Ces conversations se renouvelaient tous les soirs autour de la petite table où madame Leuwen prenait son lichen.

Toute l’attention de M. Leuwen était appliquée maintenant à retarder la chute du ministère. Ce fut dans ce sens qu’il