Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/299

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mença par des protestations infinies. Pendant ces circonlocutions bien longues, M. Leuwen restait grave et impassible.

« Il faut bien être ministre, pensait-il, puisqu’on me demande des audiences ! »

Enfin, madame Grandet passa aux louanges de sa propre sincérité… M. Leuwen comptait les minutes à la pendule de la cheminée.

« Surtout, et avant tout, il faut me taire ; pas la moindre plaisanterie sur cette jeune femme si fraîche, si jeune, et déjà si ambitieuse. Mais que veut-elle ? Après tout, cette femme manque de tact, elle devrait s’apercevoir que je m’ennuie… Elle a l’habitude de façons plus nobles, mais moins de véritable esprit, qu’une de nos demoiselles de l’Opéra. »

Mais il ne s’ennuya plus quand madame Grandet lui demanda tout ouvertement un ministère pour M. Grandet.

— Le roi aime beaucoup M. Grandet, ajoutait-elle, et sera fort content de le voir arriver aux grandes affaires. Nous avons de cette bienveillance du Château des preuves que je vous détaillerai si vous le souhaitez et m’en accordez le loisir.

À ces mots, M. Leuwen prit un air extrêmement froid. La scène commençait à l’amuser, il valait la peine de jouer la