Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/33

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de la saison il courut à l’Opéra avec l’envie d’y arriver.

Il trouva mademoiselle Raimonde dans la loge grillée de son père, elle était seule depuis un quart d’heure et mourait d’envie de parler, Lucien l’écouta avec un plaisir qui le surprit, il fut charmant pour elle.

« C’est là le véritable esprit, se disait-il dans son engouement, comme cela tranche avec l’emphase lente et monotone du salon Grandet ! »

— Vous êtes charmante, belle Raimonde, ou du moins je suis charmé. Contez-moi donc la grande histoire de la dispute de madame… avec son mari, et le duel !

Pendant que sa petite voix douce et bien timbrée parcourait les détails en sautillant rapidement :

« Comme ils sont lourds et tristes, se répondant les uns aux autres par de fausses raisons, et dont le parleur comme l’écouteur sentent le faux ! Mais ce serait choquer toutes les convenances de cette confrérie que de ne pas se payer de fausse monnaie. Il faut gober je ne sais combien de sottises et ne pas se moquer des vérités fondamentales de leur religion, ou tout est perdu. »

Il dit gravement :

— Auprès de vous, ma belle Raimonde, un M. de Torpet est impossible.