Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/334

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« N’ayez aucune foi à ce que je viens de vous dire devant Grandet, c’est moi qui veux être ministre ? »

— Ce n’est pas de votre bonne foi qu’il peut être question, et vous appliquez un emplâtre à côté du trou.

« Ce que vous me demandez est étrange. Vous êtes un libertin, dit madame Grandet pour adoucir le ton du discours. Votre opinion bien connue sur ce qui fait toute la dignité de notre sexe ne vous permet pas de bien apprécier toute l’étendue du sacrifice. Que dira madame Leuwen ? Comment lui cacher ce secret ?

— De mille façons, par un anachronisme, par exemple[1].

— Je vous avouerai que je suis hors d’état de continuer la discussion. Daignez renvoyer la conclusion de notre entretien à demain.

— À la bonne heure ! Mais demain serai-je encore le favori de la fortune ? Si vous ne voulez pas de mon idée, il faut que je m’arrange autrement et que, par exemple, je cherche à distraire mon fils, qui fait tout mon intérêt en ceci, par un grand mariage. Songez que je n’ai pas de temps à perdre. L’absence de

  1. [« Mme  Grandet est l’amie de mon fils depuis deux mois avant que le ministère ne menaçât ruine. »]