Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/338

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démérites de M. Leuwen, et ce riche sujet occupa bien vingt minutes :

— Vous marchez maintenant dans la route de la haute ambition. Vous souvient-il du mot du chancelier Oxenstiern à son fils ?

— C’est mon bréviaire que ces bons mots des grands hommes, ils me conviennent tout à fait : « Ô mon fils, vous reconnaîtrez avec combien peu de talent l’on mène les grandes affaires de ce monde. »

— Eh bien ! pour un homme comme vous, M. Leuwen est un moyen. Qu’importe son mérite ! Si une Chambre composée de demi-sots s’amuse de ses quolibets et prend ses conversations de tribune pour l’éloquence à haute portée d’un véritable homme d’État, que vous importe ? Songez que c’est une faible femme, madame de… qui, parlant à une autre faible femme, la reine [Anne] d’Autriche, a fait entrer dans le Conseil le fameux cardinal de Richelieu. Quel que soit M. Leuwen, il s’agit de flatter sa manie tant que la Chambre aura celle de l’admirer. Mais ce que je vous demande, à vous qui courez les cercles politiques et qui voyez ce qui se passe avec un coup d’œil sûr, le crédit de M. Leuwen est-il réel ? Car il n’entre pas dans mon système de haute