Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/344

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perdrait son crédit à la Chambre ou auprès du roi, même dans le cas peu probable où votre ministère finirait…

— Les ministères durent bien au moins trois ans, la Chambre a encore quatre budgets à voter, répliqua M. Grandet d’un ton piqué.

« Ah ! Grand Dieu ! se dit madame Grandet, je viens de m’attirer encore dix minutes de haute politique à la façon du comptoir. »

Elle se trompait, la conversation ne revint qu’au bout de dix-sept minutes à l’engagement à prendre par M. Grandet d’admettre M. Lucien Leuwen à une amitié intime de trois ans, si l’on se déterminait à l’admettre pour un mois.

— Mais le public vous le donnera pour amant !

— C’est un malheur dont je souffrirai plus que personne. Je m’attendais que vous chercheriez à m’en consoler… Mais enfin, voulez-vous être ministre ?

— Je veux être ministre, mais par des voies honorables, comme Colbert.

— Où est le cardinal Mazarin mourant, pour vous présenter au roi ?

Ce trait d’histoire, cité à propos, inspira de l’admiration à M. Grandet et lui sembla une raison.