Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/352

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elle me met sur mes gardes. Dans les livres elle me plaît, mais dans le monde elle me glace et au bout d’un quart d’heure m’inspire de l’éloignement[1].

« Chez madame Grandet, grâce à son nom bourgeois, ce genre d’absurdité est entièrement réservé à ses colloques du matin avec madame de Thémines, madame Toniel ou autres mères de l’Église, et j’en serai quitte pour quelques mots de respect pour ce qui est respectable répétés une fois la semaine.

« Les hommes que je vois chez madame Grandet ont au moins fait quelque chose, quand ce ne serait que leur fortune. Qu’ils l’aient acquise par le négoce, ou par des articles de journaux, ou par des discours vendus au gouvernement, enfin ils ont agi.

« Ce monde que je vois chez ma maîtresse, dit-il en riant, est comme une histoire écrite en mauvais langage, mais intéressante pour le fond des choses. Le monde de madame de Marcilly, c’est des théories absurdes, ou même hypocrites, basées sur des faits controuvés et recouvertes d’un langage poli, mais l’âpreté du regard dément à chaque instant l’élégance de

  1. Exemple : la méchanceté de M. de Courchamp (Mémoires de Créqui). Les relire en donnant le dernier vernis aux conversations des salons imitant Saint-Germain.