Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, devant le pouvoir, venait de désavouer son ami arrêté pour opinions politiques par la police, fut averti par le chant du coq. Lucien resta immobile, comme Bartolo dans le Barbiere de Rossini. Huit ou dix fois depuis son bonheur auprès de madame Grandet l’idée de madame de Chasteller s’était présentée à lui, mais jamais aussi nettement ; toujours il avait été distrait par quelque phrase rapide, comme : « Mon cœur n’est pour rien dans cette aventure de jeunesse et d’ambition. » Mais par toutes les combinaisons qui avaient précédé le rappel du nom de madame de Chasteller il prenait des mesures pour faire durer longtemps cette nouvelle liaison. Madame Grandet ne le portait pas simplement à rompre avec la personne de mademoiselle Raimonde, mais avec le souvenir cher et sacré de madame de Chasteller. L’impiété était plus grande.

Il y avait deux mois qu’il avait rencontré dans la collection des porcelaines divines de M. Constantin une tête qui l’avait fait rougir par sa ressemblance avec madame de Chasteller, et il l’avait fait copier en ne quittant pas un moment le jeune peintre dont, par son anxiété et sa douceur, il s’était fait un ami. Il courut chez lui comme pour faire amende honorable devant cette sainte image. Sera-t-il tout à fait déshonoré