Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/358

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piqué d’honneur par le luxe de M. Thourette, donnait de belles fêtes, madame Grandet ne le voyait jamais qu’entouré de flatteurs. Un jour, un pauvre petit bonhomme d’esprit, pauvre et pas trop bien mis, M. Gamont[1] avait osé différer un peu d’opinion avec M. Grandet sur le plus ou moins de beauté de la cathédrale d’Auch, M. Grandet l’avait chassé de chez lui à l’instant avec une grossièreté, avec un triomphe barbare des écus sur la pauvreté qui avait choqué même madame Grandet. Quelques jours après elle envoya, avec une lettre anonyme alléguant [une] restitution, cinq cents francs au pauvre Gamont qui, trois mois après, eut la bassesse de se laisser réinviter à dîner par M. Grandet.

Lorsque M. Leuwen dit à madame Grandet la vérité, encore bien adoucie, sur le vide, la platitude, les fausses grâces des réponses de M. Grandet au vieux maréchal, madame Grandet lui fit entendre avec un froid dédain, qui allait admirablement au genre de sa beauté, qu’elle croyait qu’il la trahissait.

M. Leuwen se conduisit comme un jeune homme : il fut au désespoir de cette accusation, et pendant trois jours son unique

  1. M. l’abbé de MontGaillard, voyage à Auch, de Tobie.