Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/371

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Il raisonna longtemps sur cette idée, enfin elle l’étonna : il fut heureux de la trouver si profondément enracinée dans son esprit.

« Je suis donc bien sûr de lui pardonner ! Ce n’est pas une illusion. » Il avait entièrement pardonné la faute de madame de Chasteller. « Telle qu’elle est, elle est pour moi la seule femme qui existe… Je crois qu’il y aura plus de délicatesse à ne jamais laisser soupçonner que je connais les suites de la faiblesse pour M. de Busant de Sicile. Elle m’en parlera si elle veut m’en parler. Ce stupide travail de bureau me prouve au moins que je suis capable de gagner au besoin ma vie et celle de ma femme.

— À qui l’a-t-il prouvé ? dit le parti contraire. Et à cette objection le regard de Lucien devint hagard. À ces gens-ci que peut-être tu ne reverras jamais, qui, si tu les quittes, te calomnieront…[1]

— Eh ! non, parbleu, il l’a prouvé à moi, et c’est là l’essentiel. Et que me fait l’opinion de cette légion de demi-fripons qui regardent avec ébahissement ma croix et mon avancement rapide ? Je ne suis plus le jeune sous-lieutenant de lanciers partant pour Nancy afin de rejoindre son

  1. Tournure de tu dans le monologue.