« Se pourrait-il, se disait madame Grandet, que le prince royal eût fait dire à l’improviste qu’il recevait ce soir les futurs chasseurs au chevreuil ? » Mais les pauvres députés et pairs qu’elle recevait songeaient au solide et étaient trop peu du monde avec lequel on essayait de refaire une cour pour se trouver au courant de ces choses-là. Après cette réflexion, elle renonça à savoir la vérité par ces messieurs.
« Dans tous les cas, se dit-elle, ne devrait-il pas paraître ici, ou au moins écrire un mot ? Cette conduite est affreuse. »
Onze heures sonnèrent, onze heures et demie, minuit. Lucien ne paraissait pas.
« Ah ! je saurai bien le guérir de ces petites façons-là ! » se dit madame Grandet hors d’elle-même.
Cette nuit, le sommeil n’approcha pas de sa paupière, comme disent les gens qui savent écrire[1]. Dévorée de colère et de malheur, elle chercha une distraction dans ce que ses complaisants appelaient ses études historiques ; sa femme de chambre se mit à lui lire les Mémoires de madame de Motteville qui, l’avant-veille encore,
- ↑ Stendhal ajoute en note : « Suivant Grandnez, Besan et autres… » On sait que le premier nom était le sobriquet de M. d’Argout et sous le second nous reconnaissons Besançon, c’est-à-dire le baron de Mareste. N. D. L. E.