Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/410

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— Y a-t-il moyen de ne pas faire banqueroute ?

— Sans doute, mais il ne vous restera pas peut-être cent mille écus, et encore il faudra cinq ou six ans pour opérer la rentrée de cette somme.

— Attendez-moi un instant, je vais parler à ma mère.

— Monsieur, madame votre mère n’est pas dans les affaires. Peut-être ne faudrait-il pas prononcer le mot de banqueroute aussi nettement. Vous pouvez payer soixante pour cent, et il vous reste une honnête aisance. M. votre père était aimé de tout le haut commerce, il n’est pas de petit boutiquier auquel il n’ait prêté une ou deux fois en sa vie une couple de billets de mille francs. Vous aurez votre concordat signé à soixante pour cent avant trois jours, même avant la vérification du grand livre. Et, ajouta M. Reffre en baissant la voix, les affaires des dix-neuf derniers jours sont portées à un livre à part que j’enferme tous les soirs. Nous avons pour 1.900.000 francs de sucre, et sans ce livre on ne saurait où les prendre.

« Et cet homme est parfaitement honnête », pensa Lucien.

M. Reffre, le voyant pensif, ajouta :

— M. Lucien a un peu perdu l’habitude du comptoir depuis qu’il est dans