Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/416

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Lucien fut bien étonné de recevoir une lettre de madame Grandet, qui était à une maison de campagne près de Saint-Germain, et qui lui assignait un rendez-vous à Versailles, rue de Savoie, n° 62. Lucien avait grande envie de s’excuser, mais enfin il se dit :

« J’ai assez de torts envers cette femme, sacrifions encore une heure. »

Lucien trouva une femme perdue d’amour et ayant à grand-peine la force de parler raison. Elle mit une adresse vraiment remarquable à lui faire, avec toute la délicatesse possible, la scabreuse proposition que voici : elle le suppliait d’accepter d’elle une pension de 12.000 francs, et ne lui demandait que de venir la voir, en tout bien tout honneur, quatre fois la semaine.

— Je vivrai les autres jours en vous attendant.

Lucien vit que s’il répondait comme il le devait il allait provoquer une scène violente. Il fit entendre que, pour certaines raisons, cet arrangement ne pouvait commencer que dans six mois, et qu’il se réservait de répondre par écrit dans vingt-quatre heures. Malgré toute sa prudence, cette ennuyeuse visite ne finit pas sans larmes, et elle dura deux heures et un quart.