Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/49

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Ce propos fut suivi d’un petit silence, et puis accueilli par un éclat de rire général qui se prolongea dans toute la rue avec un bruit assourdissant et dura bien cinq minutes.

Comme Leuwen se retournait vivement vers le balcon et levait les yeux pour chercher à deviner parmi tant de figures riant d’un rire affecté celle de l’insolent qui avait parlé de lui, deux gendarmes au galop arrivèrent sur la foule. Le balcon fut vide en un instant, et la foule se dissipa rapidement par les rues latérales. Leuwen, ivre de colère, voulut rentrer dans la maison pour chercher l’homme qui l’avait si insulté, mais l’hôte avait barricadé toutes les portes, et ce fut en vain que notre héros y donna des coups de poing et de pied. Pendant ces tentatives, il avait derrière lui [le brigadier de gendarmerie].

— Filez rapidement, messieurs, disait ce fonctionnaire d’un ton grossier et riant lui-même de l’état où la boue avait mis le gilet et la cravate de Leuwen. Je n’ai que trois hommes ; ils peuvent revenir avec des pierres.

On mettait les chevaux en toute hâte. Leuwen était fou à force de colère et parlait à Coffe qui ne répondait pas et tâchait, à l’aide du grand couteau du cuisinier,