Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/74

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— Mangez donc, monsieur le commissaire, disait le préfet ; imitez M. votre adjoint.

— Secrétaire seulement, monsieur, dit Coffe en continuant à tordre et à avaler comme un loup.

Ce mot jeté avec force parut cruel à Leuwen. Il ne put s’empêcher de regarder Coffe.

« Vous ne voulez donc pas m’aider à porter l’infamie de ma mission ? » disait ce regard.

Coffe ne comprit rien. C’était un homme parfaitement raisonnable, mais nullement délicat ; il méprisait les délicatesses, qu’il confondait avec les prétextes que prennent les gens faibles pour ne pas exécuter ce qui est raisonnable ou de leur devoir.

« Mangez, monsieur le commissaire… Coffe, qui comprit cependant que ce malheureux titre choquait Leuwen, dit au préfet :

— Maître des requêtes, s’il vous plaît, monsieur.

— Ah ! maître des requêtes ? dit le préfet étonné. Et c’est toute notre ambition à nous autres, pauvres préfets de province, après avoir fait deux ou trois bonnes élections.

« Est-ce naïveté sotte ? est-ce malice ? se disait Leuwen, peu disposé à l’indulgence.