Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 1.000 francs déposés en main tierce), je pourrai promettre au ministre une majorité non de quatre misérables voix, mais de douze et peut-être de dix-huit voix. J’ai le bonheur que Blondeau est un imbécile qui de la vie n’a porté ombrage à personne. Il me répète bien tous les jours que personnellement il a une douzaine de voix, mais rien n’est moins clair. Mais tout cela, monsieur, est cher, et je ne puis pas, moi, père de famille, faire la guerre absolument à mes dépens. Le ministre, par sa dépêche timbrée particulière du 5, m’a ouvert un crédit de 1.200 francs pour mes élections. Sur ce crédit, j’ai déjà dépensé 1.920 francs. Je pense que Son Excellence est trop juste pour me laisser ces 720 francs sur les bras.

— Si vous réussissez, il n’y a pas de doute, dit Leuwen. En cas contraire, je vous dirai, monsieur, que mes instructions ne parlent pas de cet objet.

M. de Riquebourg roulait dans ses mains le bon de 600 francs de Leuwen. Tout à coup, il s’aperçut que cette écriture était la même que celle de la lettre timbrée particulière, dont il n’avait raconté qu’une partie à ces messieurs, par discrétion. De ce moment, son respect pour M. le commissaire aux élections fut sans bornes.

— Il n’y a pas deux mois, ajouta