Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/90

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qué à onze heures, et, à six, dîner de quarante personnes. Votre arrivée fait le meilleur effet. Le général est susceptible comme un sot, l’évêque est furibond et fanatique. Si vous le jugez à propos, ma voiture sera attelée à onze heures et demie, et vous pourrez donner dix minutes à chacun de ces fonctionnaires. Ne vous pressez pas : les quatorze personnes que j’ai réunies pour votre première audience n’attendent que depuis neuf heures et demie…

— Je suis désolé, dit Leuwen.

— Bah ! Bah ! dit le préfet, ce sont des gens à nous, des gens qui mangent au budget. Ils sont faits pour attendre.

Leuwen avait horreur de tout ce qui peut ressembler à un manque d’égards. Il s’habilla en courant, et courut recevoir les quatorze fonctionnaires. Il fut atterré de leur pesanteur, de leur bêtise, de leur air d’adoration à son égard.

« Je serais le prince royal qu’ils n’auraient pas salué plus bas ! »

Il fut bien étonné quand Coffe lui dit :

— Vous les avez mécontentés, ils vous trouveront de la hauteur.

— De la hauteur ? dit Leuwen étonné.

— Sans doute. Vous avez eu des idées, ils ne vous ont pas compris. Vous avez eu cent fois trop d’esprit pour ces animaux-là.