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ŒUVRES DE STENDHAL.

Saint-Étienne est une croix latine : des piliers carrés avec une colonne engagée sur chaque face la divisent en trois nefs. Le caractère distinctif des édifices romans (ou bâtis par des architectes timides qui gardaient encore quelque souvenir des monuments romains) est la solidité ; le chœur est entouré de piliers ronds réunis par des arcades en plein cintre : le plein cintre se retrouve partout ici ; ce qui, selon moi, éloigne l’idée du malheur et de l’enfer. Le lecteur sent-il ainsi ?

On voit dans le haut du chœur des colonnes bien barbares, dont les chapiteaux sont presque aussi hauts que le fût ; les transepts (les croisillons du crucifix) sont séparés de la nef par un mur qui touche à la voûte, mais qui s’ouvre dans le bas par une grande arcade surmontée de cinq plus petites.

Ces belles roses (fenêtres rondes garnies de brillants vitraux cramoisis, verts, bleus), si remarquables à Saint-Ouen de Rouen, n’étaient encore, lorsqu’on bâtit Saint-Étienne de Nevers, qu’un petit œil-de-bœuf fort étroit[1].

Rien de plus pauvre que la façade et les ornements de Saint-Étienne.

Il y a des sculptures curieuses à Saint-Sauveur, autre basilique romane misérablement transformée aujourd’hui, le haut en grenier à foin, et le bas en magasin de roulage. Les provinciaux recouvrent tous leurs édifices d’un triste badigeon café au lait, comme Notre-Dame, Saint-Sulpice, etc., à Paris. En donnant des coups de canne au badigeon de Saint-Sauveur, on le fait écailler, et l’on voit que les murs et les fûts des colonnes furent primitivement revêtus d’une couche épaisse de couleur rouge brillante. Quelques chapiteaux étaient peints en très-beau vert, et en certains endroits dorés. Au-dessus du chœur est un clocher gothique, et par conséquent bien postérieur à l’église.

Saint-Genest, voisin de Saint-Sauveur, est transformé en bras-

  1. Nous manquons d’un dictionnaire avec gravures en bois dans le texte, qui expliquerait deux cents mois de l’art gothique ; mais alors il ne serait plus un arcane.