Un livre genevois n’est jamais absolument vide.
Que dire du lac de Genève, qui ne semble exagéré à qui ne l’a jamais vu ?
Les agréments du lac me semblent doublés depuis les bateaux à vapeur. J’avais affaire à Lausanne (à douze grandes lieues de Genève). L’Aigle m’y a conduit ce matin, faisant, je crois, quatre lieues à l’heure, et je suis revenu ce soir avec la même rapidité. L’Aigle a une forme extrêmement allongée, un tiers de plus que les autres bâtiments.
J’avais apporté un gros sac de livres ; j’ai lu, ce qui était un peu ridicule et pédant sous les yeux des dames ; j’ai étudié Calvin.
En 1509, ce grand homme naquit en France ; en 1555, la réforme s’établit à Genève.
Calvin y arrive en 1536 ; son esprit austère l’en fait chasser ; il se réfugie à Strasbourg ; mais en 1541 il est rappelé et règne à Genève jusqu’à sa mort, arrivée en 1564. Ainsi Calvin a eu vingt-trois ans pour donner des lois à son peuple. Ce peuple aimait le plaisir, et d’abord fut rebelle ; mais Calvin établit à Genève l’inquisition la plus terrible sous le nom de consistoire.
Tout ce qui a été dit de l’inquisition s’applique au consistoire, qui avait la censure sur les actions. Gruec a la tête tranchée pour avoir écrit ; Servet est brûlé vif en 1553. Cette action couronna la vie du législateur de Genève. Il fut désintéressé comme un homme[1] exécré qui a régné sur la France. Calvin, tout-puissant à Genève, reçut toute sa vie, pour chacun an, cent cinquante francs en argent, quinze quintaux de blé et deux tonneaux de vin ; son héritage fut estimé trois cent quatre-vingt-cinq francs.
Le frère de Calvin, qui s’était aussi réfugié à Genève, y vécut petitement et pauvrement de son métier de relieur ; son frère ne lui fit pas avoir une belle place de finance.
- ↑ Robespierre.