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Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, II, Lévy, 1854.djvu/24

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ŒUVRES DE STENDHAL.

les Gaulois la punition la plus grave. Ceux qui encourent cette interdiction sont regardés comme impies et criminels ; tout le monde fuit leur abord et leur entretien, on semble craindre la contagion du mal dont ils sont frappés ; tout accès en justice leur est refusé, et ils n’ont part à aucun honneur.

« Les druides n’ont qu’un seul chef dont l’autorité est sans bornes.

« À sa mort, le plus éminent en dignité lui succède ; ou, si plusieurs ont des titres égaux, il y a élection, et le suffrage des druides décide entre eux. Quelquefois la place est disputée par les armes. À une certaine époque de l’année, les druides s’assemblent dans un lieu consacré sur la frontière du pays des Carnutes. Ce pays passe pour le point central de toute la Gaule. Là se rendent de toutes parts ceux qui ont des différends, et ils obéissent aux jugements et aux décisions des druides.

« On croit que cette religion a pris naissance dans la Bretagne (l’Angleterre), et qu’elle fut de là transportée dans la Gaule. De nos jours, ceux qui veulent en avoir une connaissance plus approfondie passent ordinairement dans cette île pour s’en instruire.

« § 14. Les druides ne vont point à la guerre et ne payent

aucun des tributs imposés aux autres Gaulois ; ils sont exemptés du service militaire et de toute espèce de charges[1]. Séduits par de si grands privilèges, beaucoup de Gaulois viennent auprès d’eux de leur propre mouvement, ou y sont envoyés par leurs proches. On enseigne aux néophytes un grand nombre de vers, et il en est qui passent vingt années dans cet apprentissage. Il n’est pas permis de confier ces vers à l’écriture. Dans la plupart des autres affaires publiques et privées, les Gaulois se servent des lettres grecques. Je vois deux raisons de cet usage des druides :

  1. Les prêtres du dixième siècle et des plus beaux temps du christianisme n’avaient qu’une position fort inférieure à celle des druides. Ce corps paraît avoir résolu parfaitement le problème de l’égoïsme.