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ŒUVRES DE STENDHAL.

naïves touchèrent le conseil des six cents, et obtinrent la réhabilitation de son grand-père.

L’heureuse république de Marseille, en faisant un appel au bon sens et aux penchants de chaque habitant, porta la civilisation dans les pays que nous appelons aujourd’hui la Provence et le Languedoc. Cet état de choses dura jusqu’à César.

Le judicieux Polybe avait voyagé dans le pays ; il dit que les Marseillais fournirent des galères à Scipion, lorsque ce général essaya d’arrêter Annibal, qui marchait vers l’Italie ; par la suite ils aidèrent Marius à triompher des Ambrons.

Pompée et César avaient étendu le territoire de Marseille ; les Marseillais essayèrent en vain de conserver la neutralité lorsque la guerre éclata entre les deux bienfaiteurs. César, à qui il importait d’occuper cette ville, la fit attaquer par terre et par mer ; après l’avoir prise, il enleva aux habitants leurs armes, leurs vaisseaux et leur argent. De ce moment, Marseille fit partie de l’empire romain, et peu après la perte de sa liberté, toutes ses vertus disparurent.

Athénée, qui vivait sous Marc-Aurèle, parle des Marseillais comme d’hommes sans énergie et sans mœurs. Pour désigner un efféminé, on disait alors : Il vient de Marseille. Suidas, qui rapporte ce proverbe, ajoute que les Marseillais portaient de longs vêtements brodés, et qu’ils étaient chargés de parfums.

Constantin poursuivit son beau-père Maximien dans les murs de Marseille, et l’y fit poignarder. Pendant la décadence si cruelle du grand empire, cette ville devint successivement la proie de tous les barbares.

Au moyen âge, le passage des croisés et les communications avec le Levant lui donnèrent de nouvelles richesses. On goûtait à Marseille des plaisirs délicats, tandis que, dans les environs de Paris, un brigand, réfugié dans son château féodal, pillait les marchands qu’il voyait passer sur la route ; il venait ensuite s’enivrer grossièrement avec ses soldats les plus braves. Et nous avons appelé cela une cour ! De ce rendez-vous de pillards, de