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ŒUVRES DE STENDHAL.

Trente ans de la vie d’un joueur. Mais où est le Caravage de la tragédie ?

Le bas-relief du Puget représente comme il le doit des hommes forts et vigoureux ; les formes n’ont rien de mesquin ; elles ne portent jamais à l’esprit pour première impression l’idée de l’imitation de l’antique. C’est une louange que j’ai déjà eu occasion de donner à M. Court.


Marseille, le..... 1837.

J’arrive de la Sainte-Beaume ; c’est une course fort pénible ; ce sanctuaire est à huit ou dix lieues de Marseille. Cette aimable Madeleine, à qui il fut beaucoup pardonné parce qu’elle avait beaucoup aimé, vint, comme on sait, finir ses jours dans cette grotte. Je me suis souvenu involontairement des yeux de la Madeleine, avec une robe d’épines, tableau de Pordenone, qui se voyait autrefois chez M. de Sommariva.

En revenant, nous nous sommes arrêtés dans un hameau, et justement, sous nos fenêtres on faisait les funérailles d’un enfant de quelques mois. La mère, fort jolie paysanne, portait le petit corps en pleurant. Il y avait là beaucoup de femmes ; au lieu de penser aux races galles et kimries si bien décrites par le docteur Edvards, et de chercher à examiner la forme des têtes, j’ai été profondément touché.

Ces rochers, qui ne ressemblent nullement à ceux des Alpes, rappellent les rochers, singuliers plutôt que grandioses, que Léonard de Vinci introduit dans ses tableaux. Les moindres fissures des rochers qui environnent la Sainte-Beaume sont garnies d’arbustes dont le feuillage vivace et vert foncé semble vernissé comme celui du laurier. Arrivés près du sommet de la montagne, tout à coup les sommets voisins nous ont permis d’apercevoir la mer ; cette vue nous a charmés, comme si la mer eût été chose inconnue pour nous ; cette plaine bleue à l’horizon était d’un effet charmant.

Mes compagnons de voyage n’avaient guère plus de vingt-deux